L’évanouissement d’Armide - Manufacture royale des Gobelins 1765
L’évanouissement d’Armide - Manufacture royale des Gobelins 1765
Tapisseries
Epoque : XVIIIe siècle
Style : Louis XVI
Dimensions :
Largeur : 328 cm
Hauteur : 272 cm
Etat : Superbe état
Description :
L’évanouissement d’Armide, Manufacture royale des Gobelins 1765.
Tenture des fragments d’opéra, l’évanouissement d’Armide, d’après un carton de Charles Antoine Coypel (1694-1752) peint en 1737. ( conservé au musée du Louvre n° inventaire 3539)
Laine et soie, parfait état de conservation, couleurs trés fraiches.
Commandée sans bordure comme l’ensemble de la série afin d’être intégré dans un décor préétabli. ( voir page 129 du livre de Jean Vittet « la manufacture des Gobelins au siècle des lumières »)
Signée en bas à gauche : C.COYPEL
Atelier de haute lisse de Pierre François Cozette, tissage de 1765 .Vendu au fermier général Nicolas Beaujon au palais d’Evreux (actuel Palais de l’Elysée).
Collection de la ville de Paris à la fin du 19 ème siècle.
Mayorcas Collection, Christie's, Londres 12 février 1999, lot 82.
Collection d’Edward Haughey, Baron de Ballyedmond (1944-2014)
Dimensions :
Hauteur : 272 cm Largeur : 328 cm
Notre tapisserie est inspirée des opéras 'Roland' (1685) et 'Armida' (1686) de Jean-Baptiste Lully (1632-1687).
Cette histoire de Renaud (Rinaldo) et d’Armide (Armida) se trouve dans le chant 16 du poème « La Jérusalem Délivrée » de Torquato Tasso, dit Le Tasse, (1544 – 1595).
Cette œuvre écrite en 1580 conte dans un style épique et fantastique la première croisade (1096 – 1099) dirigée par Godefroy de Bouillon.
Armide, fille du roi de Damas, magicienne musulmane, souhaite la défaite et la mort des Croisés. Par ses enchantements Armide a déjà attiré de nombreux chevaliers séduits par sa beauté dans son île enchantée pour les changer en animaux. Le Tasse s’est là largement inspiré de la Circé d’Homère et de la magicienne Alcina de l’Arioste.
Renaud, fondateur mythique de la Maison d’Este de Ferrare, est le héros de cette croisade et son départ du camp chrétien, comme celui d’Achille dans l’Iliade, plonge les croisés dans l’impuissance et les malheurs.
Armide rencontre Renaud, mais s’éprenant de lui, l’emmène dans son île enchantée où par ses artifices elle le maintient dans une dépendance amoureuse. Pour cela, elle use d’un miroir de cristal dans lequel Renaud ne voit que la beauté de son amante et d’une ceinture tissée de tous les sentiments de l’Amour ce qui le tient encore plus attaché à Armide. Profitant de l’absence de la magicienne, deux chevaliers, Ubolde et le Danois, chargés de le ramener à Jérusalem, lui présentent le bouclier de diamant dans lequel Renaud se voit enfin tel qu’il est devenu, efféminé et alangui, couvert de bijoux et de parfums. Redevenu le Paladin qu’il était avant, il fuit cette île où l’amour le tenait enchaîné. Armide s’en aperçoit et usant de soupirs, de plaintes et de pleurs, tente en vain de le retenir. Après son départ elle détruit son île et part sur son char magique rejoindre son palais de Syrie.
Notre tapisserie représente l’évanouissement d’Armide suite à l’annonce du départ de Renaud. Les trois autres tapisserie constituant la tenture complète représentent, Roland apprenant la perfidie d’Angélique, le sommeil de Renaud et la destruction du Palais d’Armide.
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La Manufacture royale des Gobelins est fondée en 1601 sous l’impulsion d’Henri IV , trés soucieux d’obtenir une production française de qualité afin d’éviter la sortie des capitaux vers des pays ennemis.
En 1667, la manufacture des Gobelins est transformée en « manufacture royale des meubles de la Couronne » sous l’impulsion de Colbert, devenu contrôleur général des finances deux ans plus tôt. Confiée au peintre Charles Lebrun, elle s’inscrit dans l’élaboration d’un mécénat d’Etat.
Son objectif est double. D’une part, il s’agit de produire du mobilier, des gravures, des ouvrages d’argenterie et des tapisseries à destination des résidences royales et de l’exportation, répondant ainsi aux principes du colbertisme.
La manufacture connait deux temps forts. Le premier correspond au milieu des années 1660 avec les esquisses de Charles Lebrun. Le second moment correspond aux années 1730-1740, sous le règne de Louis XV avec notamment les cartons de Charles Antoine Coypel.
Comme l’indiquent tout les maitres tapissiers de l’époque la manufacture des Gobelins surpasse toutes celle de l’Europe.
Parmi les mille sept cent tapisseries tissées en plus d’un siècle quelques séries rencontrons un vif succès.
C’est le cas notamment de la tenture des fragments d’opéra.
Dans l’ouvrage « la manufacture des Gobelins au siècle des lumières » Jean Vittet n’hésite pas à déclarer page 127 qu’en raison de l’originalité de ses sujets et de l’impressionnant format de ses modèles, cette tenture constitue l’une des réalisations majeures des Gobelins au 18 ème siècle, rajoutant que « Charles Antoine Coypel dont l’art était à son apogée y donne le meilleur de lui même »
Cette tenture a été tissé à cinq reprises sur financement du budget royal et à quatre reprises pour une clientèle privée.
Commandes du pouvoir :
La premier tissage à été offert par le roi Louis XVI au roi de Suède en 1784 et se trouve aujourd’hui au palais royal de Stockholm .
La deuxième fut offerte par le roi Louis XV à l’ambassadeur d’Espagne à l’occasion du traité de Paris en 1763, elle resta dans sa descendance jusqu’en 1899 date à laquelle elle fût achetée par le baron Henri de Rothschild , deux pièces appartiennent aujourd’hui au Rijksmuseum d’Amsterdam.
La troisième fût offerte par Louis XV au Duc de Praslin en 1761, saisie et vendue à la révolution , une tapisserie (la destruction) appartient aujourd’hui aux collections royales portugaises (Palais Necessiddes Lisbonne) ,une autre (Le sommeil) est au musée de Boston, les deux autres en collection privée.
La quatrième fût offerte par le roi au Duc de la Vrillère en 1773.
La cinquième fût aliénée sous la révolution, deux tapisseries furent envoyées au Palais de Compiègne en 1808.
Commandes privées :
Les quatre tentures de quatre tapisserie furent commandées sans bordure afin d’intégrer un décor préétabli.
La première fût commandée par le Duc des deux Ponts en 1758 , elle est aujourd’hui conservée au musée de la résidence de Munich.
La deuxième tenture fût commandée par le financier Nicolas Beaujon vers 1767 , la Destruction était dans la collection Seligmann jusqu’en Mars 1914, Le Roland est passé jadis à la galerie Chevalier, Le Sommeil est conservé à la villa Ephrussi de Rothschild à Saint Jean Cap Ferrat et enfin notre tapisserie « l’évanouissement » provient de la collection du Baron de Ballyedmond.
La troisième tenture est celle que la Duchesse de Mazarin commanda en 1770, deux tapisseries ( l’évanouissement et le Roland ) appartenaient aux collections de Gustave de Rotschild au début du siècle.
La quatrième et dernière, commandée par le fermier général Marquet de Peire est conservée au musée du Louvre, tissée par Cozette en 1765 elle comprend « L’évanouissement » qui est en tout point similaire à notre modèle.
Notre avis :
Issue de la plus prestigieuse manufacture de tapisserie de tout les temps notre exemplaire est parfaitement renseigné, commandité par le financier Nicolas Beaujon en 1765, elle fût probablement installée dans son palais d’Evreux, actuel palais de l’Elysée.
Ayant conservée des couleurs encore trés fraiches , elle peut s’enorgueillir d’être encore plus belle que celle conservée au musée du Louvre. (N° inv OA5201) (photo)
Véritables joyaux de laine et de soie, les autres tapisseries de cette tenture sont soit conservées dans les plus grands musées ou dans les plus grandes collections royales ou privées du monde.
Bibliographie : La manufacture des Gobelins au siècle des lumières , Jean Vittet ; Swann éditeur